The Madame X Tour Journal :
Ce qu'il s’est passé à Paris
10 mars 2020
5 mars 2020
Paris, France
J’arrive à Paris. Madonna y est depuis le 22 février. Elle doit donner au Grand Rex 14 concerts qui clôtureront sa tournée Madame X. Malheureusement, en raison d’une « blessure permanente », plusieurs concerts sont annulés. Le maintien des derniers concerts de la tournée est incertain, je m’inquiète pour le concert du 10 mars auquel je dois assister.
7 mars 2020
Même si je n’ai pas de billets pour le concert du soir, je me rends néanmoins au Grand Rex pour prendre la température. Je surgis du métro Bonne Nouvelle et arrive au milieu d’une effervescence que je me suis employé à imaginer et décrire tout au long des 240 pages de mon Rebel Heart Tour Journal. À peine arrivé à la dernière marche de l’escalier de sortie du métro, je reconnais immédiatement Aaron Henrikson, le maquilleur personnel de Madonna. Il est plus grand que je ne l’imaginais.
J’ai spécialement apporté deux exemplaires (seulement en français) du Rebel Heart Tour Journal qui ont été réimprimés pour l’occasion. Ainsi que deux portfolios (bilingues) de ma démarche artistique. Les quatre livres sont dans mon sac à dos. Un exemplaire de chaque pour Madonna, et pour le messager. Aaron semble pressé. J’essaie de le suivre en espérant qu’il s’arrête un instant, pour me permettre ainsi d’attraper les livres puis de les lui donner.
Les bras chargés d’une commande de fast food, il se faufile parmi les fans. Je m’étonne qu’il soit si peu reconnu. Puis je me rappelle que tout le monde sur ce trottoir n’a pas passé quatre ou cinq mois de sa vie à écrire sur lui, son entourage, la tournée et sa patronne. J’ai une drôle de sensation à l’idée de ne pas pouvoir l’embrasser comme un vieil ami que je n’aurais pas vu depuis des années. Alors que j’ai écrit sur lui, que j’ai imaginé sa personnalité de toutes pièces, et que j’en ai fait le meilleur ami de mon alter ego de fiction.
Je continue à suivre Aaron. Le frelon brodé sur le dos de sa veste fait cible. Finalement, il se rue à l’intérieur d’un minivan noir qui se dissout dans la circulation du boulevard. Le concert est annulé. J’ai toujours les quatre bouquins dans mon sac à dos et je me sens aussi con que la fois où j’avais Guy Oseary, le manager de Madonna, à portée de main et que j’ai été incapable de lui donner ma carte de visite. Pour ne pas rester sur une nouvelle frustration pour les cinq années à venir, j’envoie un message à Aaron, sur Instagram. Je lui donne rendez-vous le lendemain, pour lui remettre les livres.
8 mars 2020
Midi. Je fais le pied de grue devant l’entrée des artistes. Aaron m’a répondu. Il sera dans le secteur vers 18 h. J’ai mis les livres dans un tote bag que je garde dans les bras, prêt à être tendu à Aaron lorsqu’il arrivera. Vers 16 h, les premiers membres de la tournée arrivent. Je les reconnais. Des danseurs (sur lesquels j’ai aussi écrit), des batukadeiras, et d’autres que je n’identifie pas. Puis Andy Lecompte, coiffeur de Madonna. Également un ami proche dans la fiction. Je n’ose pas l’aborder. Je n’aperçois jamais Tony, ce que je regrette. Arrivent ensuite les enfants de Madonna. Des barrières accordéons sont déployées pour contenir les fans. Estere, Stella, Mercy. Puis enfin, par un autre véhicule, Madonna.
Quelques minutes plus tard, les fans se sont évaporés, je garde toujours l’entrée des artistes. Des danseurs entrent et sortent incessamment. On respire le même air. J’ai le sentiment d’en faire partie, à la manière d’un ancien qui visite ses ex-collègues. Aaron arrive. Je lui fais signe. Il me fait un grand sourire et me salut. Je lui tends immédiatement le tote bag. Son sourire s’agrandit. Il me remercie chaleureusement. À mon tour, je le remercie pour sa gentillesse et sa disponibilité — il est tel que je l’avais imaginé dans mon texte. Il veut me serrer la main. Puis me demande si je veux prendre une photo avec lui. Je réponds oui. Il pivote sur lui-même, à la recherche de la meilleure lumière. Malheureusement, je n’ai pas été fichu de faire une photo nette. Mais mon souvenir, lui, n’a pas besoin d’un filtre netteté.
Le concert va débuter, les fans entrent dans le Grand Rex, le trottoir se vide. L’ambiance est maintenant à l’intérieur. Je ne touche plus terre. J’appelle tous les amis dans la confidence, leur raconte les moindres détails de ce qui s’est passé, de mon plan pour les prochains soirs de concert. Je rentre à pied. Malheureusement, je ne peux pas rester et attendre Madonna à la fin du concert. Un fan brésilien que j’ai rencontré plus tôt a apporté des pétales de rose pour lui préparer un tapis rouge pour sa sortie. En chemin, j’apprends que le ministre de la Santé vient d’annoncer l’interdiction des rassemblements de plus de mille personnes, dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus. Mon concert du 10 mars est donc annulé. La tournée Madame X prend fin avec le concert de ce soir.
The Madame X Tour Journal:
What happened in Paris
10 March 2020
5 March 2020
Paris, France
I arrive in Paris. Madonna is here since February, the 22nd. She has to perform 14 times in the Grand Rex to conclude the Madame X Tour. Unfortunately, “as a result of ongoing injuries”, several shows are cancelled. Maintaining the last shows of the tour is uncertain, I worry about the show on March 10th I will attend.
7 March 2020
Even though I have no tickets for tonight’s show, I go to take the pulse in front of the Grand Rex nevertheless. I emerge from the Bonne Nouvelle subway and arrive in the middle of an excitement I applied myself on imagining and describing throughout the 240 pages of my Rebel Heart Tour Journal. No sooner had I arrive on the last step of the subway exit stairs than I recognize immediately Aaron Henrikson, Madonna’s personal make up artist. He is taller than I thought.
I specially brought two copies (only in French) of the Rebel Heart Tour Journal that has been reprinted for the occasion. Moreover, two copies (bilingual) of my artistic statement in portfolios. The four books are in my backpack. A copy of each for Madonna, and for the envoy. Aaron seems in a hurry. I try to follow him hoping he would stop for a moment, allowing me to catch my books and give it to him then.
Arms full of packed fast food, he weaves in and out between fans. I wonder why he is not recognized that much. Then I remember that not everybody on this sidewalk has spent four or five months of his life writing about him, his entourage, the tour and his boss. I have a weird impression at the idea of not being able to embrace him like an old friend I hadn’t seen for years. Even if I wrote about him, fabricated his personality from beginning to end, and made him the best friend of my fictional alter ego.
I keep on following Aaron. The embroidered hornet on the back of his jacket stands as a target. Finally, he rushes into a black minivan that dissolves in the traffic of the boulevard. The show is cancelled. I still have my four books in my backpack and I feel as dumb as the time I had Guy Oseary, Madonna’s manager, within easy reach and I was unable to give him my business card. In order not to remain on a new frustration for the next five years, I send a message to Aaron, on Instagram. I set up a meeting with him on the next day to give him the books.
8 March 2020
12 am. I hang around the stage door. Aaron answered me. He will be in the area around 6 pm. I put the books in a tote bag I keep in my arms, ready to be offered to Aaron at his arrival. Around 4 pm, the first members of the tour arrive. I recognize them. Dancers (about whom I wrote too), batukadeiras, and many I can’t identify. Then, Andy Lecompte, Madonna’s hairdresser. Also a close friend in the fiction. I don’t dare to approach him. I don’t catch sight of Tony, which I regret. Then arrive Madonna’s kids. Concertinaed barriers are unfolded to contain fans. Estere, Stella, Mercy. And finally, by another car, Madonna
Many minutes later, fans evaporate, I still keep the stage door. Dancers come in and out incessantly. We breathe the same air. I feel like I’m part of them, in the way of a former member who visits his ex-colleagues. Aaron arrives. I signal to him. He gives a wide smile and greets me. I give him the tote bag immediately. His smile gets wider. He thanks me warmly. I thank him for his kindness and availability in turn. He is right as imagined him in my text. He wants to shake my hand. Then he asks me if I want to take a picture with him. I say yes. He pivots over himself looking for the best light. Unfortunately, I wasn’t able to take a clear picture. But my memory does not need a sharpness filter.
The show is about to begin, the fans enter the Grand Rex, the sidewalk empty. The ambience is inside now. I’m on cloud nine. I call all my friends who are in the loop, tell them every last detail of what happened and my plan for the next show days. I go back home on feet. Unfortunately I can’t stay and wait for Madonna at the end of the show. A Brazilian fan I met earlier brought rose petals to make a red carpet for her exit. On my way, I learn that the Ministry of Health has just prohibited gathering of more than 1000 persons in order to fight coronavirus spread. Consequently, my show on March 10th is cancelled. The Madame X Tour ends with tonight’s show.